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L’Huître et le Néant (Première Partie)
J’ai entamé depuis peu un nouveau recueil, "l’Huître et le Néant". Formellement, il ne s’agit que d’une suite de sonnets, en alexandrins non rimeux (comme pourrait dire un sous-réaliste) certes. Mon ambition, s’il m’est permis d’utiliser ce mot-là, sera, par la quête esthétique, de rejoindre le questionnement ontologique (j’ai très envie de dire hontologique). Sachant par avance que j’échouerai, il ne restera de cette tentative qu’un peu d’autodérision, ce qui, soyons positif, assurera la cohérence avec les écrits précédents. Le voilà-t-il alors le secret du poète : échouer, échouer encore, et sourire de ces échecs pour les mettre à distance ?

L’ORIGINE DU MAL

Je marchais silencieux sur la plage de Sète
Où je creusais le sable en quête d’un cadavre
Indifférent aux cris d’un crabe (copuleux)
Qui exhibait sa verge au regard de chacun

Mes amis (copuleux) trempaient leurs pieds dans l’eau
Pour rafraîchir des corps assoiffés par la soif
Echangeant des propos sur l’azur mallarmesque
Dont nous ne saurions rien sans les congés payés

Un pêcheur repenti repartait à la pêche
Au mérou (copuleux) à la perche aquateuse
Nous mangerons ce soir un flan de bouillabaisse

Et c’est là que soudain au détour d’un rocher
Où dormaient (copuleux) des touristes danois
Surgie de nulle part une huître m’a mordu...


PETIT

Si j’étais moins petit je me promènerais
Une girafe en laisse ou au bras d’une femme
Aux yeux en demi-lune aux lèvres d’hirondelle
Aux seins gorgés de miel dans les rues de la ville

En costume de clown en peau de caribou
Et les gens aux balcons seraient jaloux de moi
Et ils me jetteraient des Cailloux sur la tête
Alors je courirais vers un pôle hazardeux

Jusqu’au matin prochain mais l’aube aura parti
Pour d’obscures raisons gravir l’Annapurna
Dévorer la baleine apprivoiser des nains

Danser le flamenco dans un bar d’Istanbul
Et je m’endormirais contre toi contre toi
Si j’étais moins petit je serais bien plus grand...


SAINT-GLINGLIN

Un jour j’aurai trop mal à m’en mordre les dents
A pisser du chagrin en insultant les morts
A hurler comme un rat pour salir le silence
Et par mes yeux qui puent me pleureront des vers

Un cheval enragé monstre de solitude
Rugira dans mon coeur et me rongera l’os
Sous le regard moqueur des curieux de passage
Et ils s’arracheront mes lambeaux de bonheur

Mes mots auront péri avec l’amour dernier
Dans un combat violent où voltigeaient des rêves
Et douze pieds sous terre on voudra les enfouir

Dès que j’aurai franchi la frontière fragile
Des phrases fragmentées me souffriront la langue
Et on m’angoissera jusqu’à la Saint-Glinglin...


ZOO

Je voudrais par instant encor vous parler d’Elle
Mais si quelqu’un l’apprend on me mettra en cage
Dans un zoo de banlieue comme un vulgaire orang
Outang ou dégoûtant rat de Patagonie

J’aurais de la visite au moins tous les dimanches
Si le temps est clément car l’entrée est gratuite
Et les gens apprécient la vue d’un animal
A travers des barreaux et même d’un humain

Mais il me manquera la liberté suprême
De courir dans les champs d’orties à demi nu
De marcher dans les rues parmi les briques rouges

De chanter sous la douche en me grattant le nez
De boire et de vomir aux quatre coins d’un bar
Et surtout j’ai horreur du parfum des bananes...


CARNAVAL

Pour emmerder les gens les nuits de pleine lune
Arrachez-vous les bras déguisez-vous en huître
Dansez sous leurs balcons en hurlant des gros mots
D’amour d’amour d’amour si vous en connaissez

Ne comptez pas sur moi pour en citer un seul
(J’ai échangé les miens contre un bout de pizza)
L’agent municipal sensible à ce barouf
Voudra vous menotter mais vous voyant manchot

Il se suicidera en buvant de l’eau tiède
Vous rentrerez chez vous par un chemin tordu
Aux passants attardés que vous pourrez croiser

Pour expliquer le sang répandu sur vos yeux
Vous direz simplement (mais soyez convaincant)
C’est Carnaval c’est Carnaval c’est Carnaval...


TACHE

Un amour clandestin passager du silence
Avait squatté mes vers en tout anonymat
Faisant comme chez lui et se nourissait même
De mes mots les plus crus que je cachais pourtant

A l’abri du lecteur et du paparazzo
Au pied du grand pommier du jardin de mes rêves
Mais je ne voyais rien ignorant que j’étais
Des ruses de l’amour dangereux d’ange heureux

Puis un matin du soir mon huître fort jalouse
Expulsa cet intrus hors les murs des sonnets
Où quelques mois plus tôt il avait fait son nid

Nous avons bien frotté pour effacer les traces
Mais je dois dire en vain car toujours il me reste
A un endroit précis la tache du désir...



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